lundi 16 novembre 2020

 IL N'YA PAS DE COMPLOT MAIS UNE THEOCRATIE ULTRALIBERALE

Complot ? Quel complot ? Il n'y en a pas. En effet, un complot suppose le secret absolu. Or, les puissances d'argent, les dominants, les milliardaires, on connaît leur visage, on sait où ils habitent ils se réunissent tous les ans au sommet de Davos, nous disent clairement ce qu'ils vont faire et comment, ils vont le faire. Il suffit de les écouter parler, de lire leurs écrits, de se poser les bonnes questions et d'en tirer les bonnes conclusions.
La crise, catastrophe naturelle ou résultat de l’idéologie néolibérale ? Quels sont les mécanismes mis en œuvre ? Qui en sont les penseurs ? Est-ce une pensée moderne ? Qui crée les richesses ? Autant de questions et bien d’autres auxquelles il faut répondre pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Attention, crise ! On ne peut plus agir. Augmentation de salaires ? Non, c’est la crise. Augmentation des allocations sociales ? Non, c’est la crise… La crise vous dis-je ! La réponse est toujours la même. Et les choix ne varient pas. Soit vous acceptez une baisse de salaire et de travailler plus, soit l'entreprise ferme. Soit on allonge la durée de cotisation des retraites soit on ne pourra plus les payer en 2050. Une logique de non choix. Mais tout cela n’a rien à voir avec la fatalité, c’est le résultat de choix idéologiques.
On est passé du keynésianisme des années 1960 avec la croissance par la relance de la consommation des ménages et donc l’augmentation des salaires aux dogmes de l’attente de la croissance pour augmenter le pouvoir d’achat d’une part et de la désinflation compétitive, d’autre part. Cette politique libérale plonge ses racines dans les théories du 18ème siècle de David Ricardo et Adam Smith.
David Ricardo affirme ainsi : « Il n'y a aucun autre moyen pour augmenter les bénéfices que de baisser les salaires » Plus les profits seront importants, plus les pauvres en profiteront par « effet de ruissellement » (tickel down). Les pauvres auraient donc tout intérêt à ce que la croissance soit plus forte. Mais, les riches en bénéficieront les premiers et laisseront des miettes aux plus pauvres. Si la croissance est faible, les déjà milliardaires gardent tout pour eux pendant que les toujours miséreux s'échinent à payer la facture. Pour les libéraux, la seule question est de savoir quelle sera la taille des miettes qu’ils vont laisser ?
Par ailleurs, les tenants de la pensée néolibérale développent une phobie de l’Etat et de la Nation. Toute politique qui freinerait la croissance, au nom d'une plus juste répartition des richesses entre le plus grand nombre nuirait à l'enrichissement de quelques-uns. Exit alors, les services publics, les impôts locaux, la taxe professionnelle, l'impôt sur les grandes fortunes, la gratuité de l'enseignement etc. Ils poussent leur logique jusqu'au bout l'Etat doit disparaître ou être réduit aux fonctions régaliennes libérales : justice, police et défense. Tout le reste doit être privatisé. Encore que police et armées sont déjà privatisées et s'appellent des vigiles et des mercenaires. Le terme de l’aventurisme libéral pourrait être la privatisation totale des Etats et la fin de toutes les garanties collectives. Autrement dit, la devise de la République française « Liberté, Egalité, Fraternité » vole en éclat.
Les Nations ne sont plus que des chiffons multicolores flottants en haut des mâts qu'on agite de temps en temps pour donner du cœur à l'ouvrage et exciter le patriotisme guerrier. Les peuples sont enfermés dans des frontières. Les capitaux, eux, n'ont pas de patrie.
Dans le monde merveilleux de Ricardo est Smith, si toutes les sept secondes un enfant de moins de 15 ans meurt de faim quelque part sur la planète ce n’est pas à cause de cette politique dogmatique mise en œuvre mais parce que les pays sous-développés n'ont pas acceptés la modernité, la consommation de masse au profit d'autres valeurs.
Un expert de la Banque mondiale écrivait dans un rapport « Les raisons pour lesquelles certaines régions du monde ne sont pas plus développées sont nombreuses et complexes. Bien des cultures par exemple ont accordé peu de place au progrès matériel le considérant comme incompatible avec des objectifs plus désirables pour la société et pour l’individu » Pour illustrer son propos, il prenait l'exemple de l'Inde. Dans ce pays la vache est sacrée, nul ne doit la tuer et en manger. Dès lors, on peut conclure que si les hindous meurent de faim c'est de leur faute. Ils ont choisi une valeur intemporelle (une croyance) plutôt que la consommation.
Et pour obliger des Etats à succomber aux plaisirs indicibles de la consommation de masse, la Banque Mondiale, le FMI soutenu par le Trésor américain ont défini un « paquet » de réformes imposés à tous les États se trouvant face à une crise de la dette accompagnée de récession et d'hyperinflation. On l’a appelé le « Consensus de Washington » et tient en dix commandements :
1. Discipline budgétaire tu respecteras ;
2. Les investissements publics vers le privé tu réaliseras.
3. La fiscalité des riches tu réformeras
4. Les taux d'intérêt tu libéraliseras ;
5. Un taux de change compétitif tu imposeras ;
6. Le commerce extérieur tu favoriseras ;
7. Les investissements directs de l'étranger tu libèreras ;
8. Les services publics tu privatiseras ;
9. Les barrières douanières tu supprimeras
10. La propriété privée matérielle et intellectuelle tu protègeras.
Nous avons là le résumé de la politique menée en France depuis plus de trente ans par les ultralibéraux et les socio-libéraux. Ces règles, inspirées par Ricardo et Smith, ont été rédigées par l’économiste John Williamson, discipline de Milton Friedman père fondateur de l’Ecole de Chicago, laboratoire des néoconservateurs des Etats-Unis (Nous y reviendrons dans un prochain article). Elles ont été mises en œuvre par Ronald Reagan suivi par la famille Bush, de Grande Bretagne Margaret Thatcher et autre Tony Blair ou Nicolas Sarkozy en France.
L’application dogmatique du Consensus de Washington donne un caractère théocratique aux gouvernements européens et à l’Union européenne elle-même. Comme l’Inquisition fut menée au nom de Dieu, l’austérité est menée au nom d’un autre Dieu « le Marché financier »